Vivre avec la pandémie
Une perspective que les stratèges n’avaient guère envisagée. Or, depuis bientôt deux ans nous vivons avec la Covid entre petits dérangements et fortes contraintes.
Personne ne l’avait vu venir. On en parlait, quelques modèles circulaient, mais la dimension théorique semblait trop irréelle pour être prise au sérieux. L’un des seuls à s’exprimer d’une voix forte et convaincante fut Denis Kessler, le patron de la SCOR. Modèles économétriques en mains, il dressait un tableau saisissant, mais que chacun se dépêchait de reléguer dans le tiroir des perspectives improbables ou trop effrayantes pour les regarder en face.
Depuis deux ans, la Covid est dans notre quotidien, avec des pics et des périodes plus calmes, et, le consensus scientifique pense qu’elle est là pour longtemps. Peu ou prou, la société s’est adaptée. Certaines activités économiques mieux que d’autres. L’assurance de manière variable selon les métiers. L’assurance de dommages a traversé sans trop de difficultés, les assurances de personnes ont fortement reculé en 2020 avant de se reprendre cette année. Au-delà des chiffres, quelques enseignements émergent. Le premier est que face à la panique, les acteurs économiques ont bien du mal à conserver leur sang-froid. Le débat sur les pertes d’exploitation a été éclairant. Les corps sociaux comme les responsables politiques ont allié méconnaissance des réalités de l’assurance et démarches franchement poujadistes. Face à eux, l’industrie de l’assurance n’a pas été plus brillante, même s’il faut bien reconnaitre que le terrain était particulièrement glissant. Ce qui aurait justifié une solidarité du secteur qui a clairement fait défaut.
Face à des clients inquiets et déboussolés, les forces commerciales ont supporté le choc. C’est d’autant plus remarquable qu’elles étaient confrontées aux mêmes menaces (la maladie) et à des contraintes équivalentes (gestes barrières, télé travail). Malgré cette adversité, elles ont rendu les services que les clients et les organismes d’assurance attendaient d’eux. Cela a finalement permis à l’assurance d’agir parfois plus par défaut que dans l’organisation adaptée. Certes, la digitalisation a puissamment aidé, d’ailleurs ces deux dernières années sa diffusion s’est nettement accrue, mais il ne faut pas confondre agilité et débrouillardise et la technologie ne peut tout faire. Surtout dans des périodes de crises où les comportements humains deviennent plus irrationnels et face auxquels l’interrelation s’avère le seul moyen de les tempérer en maintenant du lien social.
Autant dire que cette crise invite à une réflexion profonde. A la fois, pour mieux ajuster les moyens nécessaires le moment venu, que pour anticiper en expliquant et en faisant comprendre les avantages et les limites de l’assurance sinon de l’assurabilité. Il n’y a pas que les professionnels qui doivent anticiper, les clients peuvent aussi être sensibilisés afin d’éviter, autant que possible, ou tout au moins de limiter les réflexes d’assistanat qui ont rendu ces deux dernières années si pénibles
Henri DEBRUYNE