Valeur ajoutée et rémunération des distributeurs
La question de la rémunération des prestations commerciales ne cesse de réapparaitre. Cette fois-ci, à travers le troisième usage du courtage. Une réponse technique a été trouvée. Néanmoins, la question de fond est celle de la valeur ajoutée créée et de sa répartition entre les acteurs de la chaîne de distribution.
Les instances professionnelles* ont proposé un accord technique sur le droit à commission des affaires individuelles d’assurance vie. C’est une bonne chose, cet accord reconnait implicitement que l’effort commercial a un coût et que celui qui l’assume doit être respecté. Une nouvelle fois, la question des rémunérations ressurgit, à la fois, sur le mode et sur le montant. Une question qui d’ailleurs préoccupe de plus en plus les pouvoirs publics français comme européens. Or, cette préoccupation a plusieurs facettes. En premier lieu, l’intérêt du client, ensuite le modèle économique qui finance une activité bien plus large que la seule interface avec le client. L’enjeu est donc de bien identifier la valeur ajoutée. En filigrane, quel partage entre les différentes composantes de la chaine de distribution. Naturellement, la clé réside dans le service rendu, à qui il est rendu et qui en supporte le coût réel.
En premier lieu, c’est le client qui in fine en assume le prix et l’apprécie à l’aune des prestations qu’il perçoit. Sachant que dans ce domaine le ressenti ne colle pas toujours avec la réalité. D’ailleurs, l’évolution réglementaire s’en est emparée en normant les prestations. Ainsi, l’action du distributeur et/ou de l’intermédiaire déjà déterminante est désormais très encadrée. Elle recouvre la recherche des prospects, le processus d’information, la délivrance du conseil et l’accompagnement de chaque client avec l’objectif de le conserver le plus longtemps possible. Cette interrelation est en soi un enjeu à forte incidence économique pour l’intermédiaire dont c’est la raison d’être et pour l’organisme d’assurance qui enrichit son portefeuille. Sans oublier le fonctionnement de la chaine de distribution qui constitue une charge supportée par tous ceux qui y concourent.
La question posée est donc bien celle de la valeur ajoutée qui doit être réelle, consistante et bien perçue par celui qui la reçoit. L’enjeu, ensuite, est celui de son partage. Là, commencent les difficultés. L’identification et la valorisation de l’activité de chaque intervenant n’est que faiblement décrite et la plupart de temps peu évaluée. L’immense majorité des intermédiaires méconnait la réalité de ses performances et la construction de ses coûts. Comme leurs partenaires assureurs, ils fonctionnent sur des références empiriques qui résultent plus de la pratique que d’une évaluation des coûts réels. Le dispositif fonctionne sur des approximations qui n’aident pas à leur compréhension. Il faudra bien entrer dans une quantification de qui fait quoi, pour le compte de qui et à quel coût.
Or, la pierre angulaire est le client. Il faut donc partir du service qui lui est rendu pour définir les prestations qui lui sont proposées et en découler les structures de coûts entre ce qui est destiné au client, ce qui est assumé pour le compte de la compagnie et ce qui ressort des investissements nécessaires au maintien d’une organisation de qualité et de son développement. Le choix des modes de rémunération en découlera naturellement.
Nous voyons bien que les nuages s’accumulent sur les mécanismes de rémunération, le plus souvent des commissions, perçus à tort ou à raison comme peu transparents, inadaptés voire contraire aux intérêts des clients. La directive distribution en réforme sérieusement les mécanismes, elle a mis à mal le précompte de commission, le troisième usage du courtage a dû être soigneusement toiletté, ici et là des voix s’élèvent pour contester les systèmes actuels. Partir du client, de ses attentes et élaborer les moyens d’y répondre imposera des modes de répartitions équilibrées, fondées sur la valeur ajoutée et par donc par – construction – incontestables.
*L’ANCIA et la FFA ont conclu une position commune pour réformer l’usage numéro 3 le 23 octobre 2019
Henri DEBRUYNE