Serions-nous à l’heure des punitions ?
Après la taxation des complémentaires santé, le Gouvernement envisage de taxer les activités d’assurances de dommages et les représentants des restaurateurs* labélisent une multirisque professionnelle pour accueillir tous les déçus et les révoltés par le comportement des assureurs.
Nous sommes entrés dans un engrenage punitif dans lequel le défaut de maturité le dispute à une certaine forme d’irresponsabilité. La rationalité est absente des débats, le poids des lobbys s’affirme et l’interventionnisme le plus détestable refait son apparition sous la forme du chantage. Les assureurs n’ont pas été brillants et les pouvoirs publics, comme certains élus titillent la corde populiste. Bref, l’objectivité semble avoir déserté. Ce qui est hautement dangereux car cela sape la confiance et bloque tout échange un tant soit peu intelligent. Comment dialoguer avec des Pouvoirs publics suspicieux qui s’écartent de leurs fonctions de régulation et de contrôle pour se mêler de la gestion des entreprises ? L’économie dirigée, qui a prévalu jusqu’à la fin des années 90 où l’Etat autorisait ou pas les augmentations tarifaires et validait les clauses des contrats, serait-elle de retour ?
Il aura suffi de quelques mois et de l’irruption d’une pandémie mondiale pour qu’une certaine panique mette à mal une approche raisonnée des risques et de leur gestion, comme de la solidarité. Si celle-ci est un devoir moral envers ceux qui sont dans l’adversité, elle s’avère être un dispositif de monopolisation par l’État du mécanisme de solidarité qui dans les faits déresponsabilise. Ce n’est pas nouveau, mais à la faveur de cette crise le phénomène s’institutionnalise. Le paradoxe est que cela vient de responsables qui par ailleurs en appellent à des comportements fondés sur la responsabilité et la capacité d’innovation pour juguler les effets de la crise (discours du Gouverneur de la banque de France**).
2020 pour les assureurs prend des allures d’annus horribilis. La Covid-19 a révélé les limites de l’assurabilité de certains risques, mais aussi l’incompréhension des mécanismes mêmes de l’assurance. Haro donc sur cette profession qui n’a pas su être où elle était attendue. De fait, les assureurs n’ont manifestement su défendre ni les réalités, ni les équilibres indispensables à leur métier. Il faut dire que l’on a rarement vu une telle accumulation de maladresses, d’absence de bon sens et d’arrières pensées. A tout cela, s’ajoute un affaiblissement assez net de la solvabilité de nombre d’organismes d’assurance dont curieusement personne ne parle.
Il faut dire que le plus haut sommet de l’Etat a donné le la. Les assureurs doivent payer et ils paieront. S’en est suivie la volonté de taxer les complémentaires santé au motif qu’elles n’avaient pas été suffisamment sollicitées et donc affichaient des résultats techniques trop favorables. Avant même l’arrêté des comptes, le couperet est tombé. Puis, le Ministre de l’économie menace de taxer les assurances de dommages sur le même principe. Faible sinistralité, non répercutée sur les tarifs égale taxation. Simple et imparable. Sur quelles bases, en fonction de quels calculs, mystère. Le pire est que ces taxations se retrouveront inévitablement dans les cotisations payées par les clients ! Le moins que l’on puisse dire est que tout cela n’est pas très inspiré et somme toute pas très responsable.
Enfin, les restaurateurs, déjà furieux de ne pas voir leurs pertes d’exploitation prises en charge sont ulcérés par la démarche de certains assureurs de faire signer des avenants confirmant la non-garantie du risque de pandémie sous peine de résiliation. Ils ont donc décidé de labéliser un contrat sans cacher qu’il s’agit clairement d’une mesure de rétorsion. « Nous avons changé notre mode de combat, en décidant de bâtir avec Generali un produit d’assurance IARD, au moment même où les chefs d’entreprise vont avoir des choix à faire, au regard des résiliations de contrat », a justifié Hervé Becam, vice-président de l’UMIH. Somme toute, cela est de bonne guerre et c’est le jeu de la concurrence qui permet à chacun de jouer sa partition.
Quant aux assureurs, certains découvrent stupéfaits les bombes potentielles qui se cachent dans leurs portefeuilles et prennent peur. Bien sûr, tout le monde n’a pas les mêmes responsabilités, mais comment ne pas être effaré par la situation et ce qu’elle révèle de courte vue, de petits calculs parfois misérables alors que nous affrontons collectivement une crise particulièrement grave et dont les effets seront durablement déstabilisateurs ?
Henri DEBRUYNE
*les organisations professionnelles de la restauration et de l’hôtellerie (UMIH, GNC, GNI, SNRTC)
** le 27 septembre 2020