Rémunérations encore et toujours…

par | 9 Nov 2023 | Eclairage

Les fédérations d’assureurs1 (France assureurs, FNMF et CTIP) se seraient mises d’accord pour « encadrer » certaines pratiques de rémunération et anticiper l’arrivée de la RIS.

La communauté de l’assurance a pris ses responsabilités dans un dossier particulièrement sensible. C’est une très bonne chose. C’est d’autant plus louable qu’il n’est pas difficile d’imaginer les trésors de diplomatie et de fermeté qu’il a fallu déployer pour arriver à cette position commune. Bien sûr, certains y verront le verre à moitié vide, d’autres à moitié plein sinon trop et comme une atteinte intolérable à leur liberté d’entreprendre. Il n’en demeure pas moins que ce projet de recommandation, qui porte une réelle dimension éthique, entérine la nécessité d’une discipline collective. Il confirme la fin programmée de certaines pratiques que la réglementation a déjà mises à l’index. Ce cadre commun, d’une certaine manière, vient dire – mieux encore écrire – que non, vraiment non, il y a choses qui ne sont plus possibles. En même temps, il est vrai qu’il y a urgence. La Puissance publique s’emploie à corriger ce qu’elle considère être des dérives inacceptables. Et, elle risque de le faire sans nuance, hypothéquant le modèle économique de tout un secteur professionnel qui collectivement n’a pas démérité, mais qui parfois doit mettre un peu d’ordre dans ses affaires.

Certes, cette recommandation ne règle pas tout et laisse perdurer un niveau de précompte significatif. De plus, elle interprète des dispositions réglementaires qui lui sont par nature supérieures. Néanmoins, elle introduit une dimension, jusque-là, peu prise en compte. Celle de la réalité du coût de la prestation. En effet, les obligations d’information, le devoir de conseil et de gestion doivent être mis en relation avec la réalité de la rémunération. Il n’est donc pas aberrant d’imaginer la prise en compte de celles-ci voire qu’elles justifient des compléments à la mise en place du contrat. Pour autant attention, les obligations de conseil perdurent tout au long de la vie du contrat, le distributeur doit donc procéder régulièrement à des opérations de vérification et, le cas échéant, proposer des adaptations à son client. Sur cet aspect la jurisprudence est impitoyable. Ce qui représente aussi un coût qui ne peut être rattaché à ceux d’initialisation du contrat et pourrait ôter du crédit à l’argument selon lequel le distributeur a plus à faire la 1ère année ; prenons garde de considérer que cette recommandation de place ne soit comprise comme une application dégradée de la réglementation.

Quoiqu’il en soit, ces précomptes doivent être démontrés au plus près de la réalité des services rendus à chaque client. Une approche qui ne pourra pas s’accommoder de pratiques forfaitaires ou généralisées. Il faudra donc les documenter, les expliciter et en justifier. Et, c’est là que pourrait résider un argument de poids face aux ambitions de la RIS. C’est d’ailleurs l’esprit de la recommandation de l’ACPR du 17 juillet 2023 qui vise à interdire toute forme de rémunération qui ne dépendrait pas de l’intérêt du client.

En réalité, cette recommandation de la communauté des assureurs, tout en maintenant la faculté du précompte, invite à l’objectivation de sa pratique. En clair, son utilisation comme outil de management commercial est publiquement réprouvée. Il ne pourrait à l’avenir subsister que s’il est justifié par les prestations réellement servies aux clients. Il faudra aussi qu’il s’intègre dans le dispositif de commissionnement dont l’atout principal est d’en mutualiser le coût pour permettre au plus grand nombre de bénéficier du conseil à des conditions économiques acceptables.
1 Selon l’Argus de l’assurance du 7 novembre 2023

Henri DEBRUYNE

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