Rémunération des distributeurs, transparence et valeur ajoutée
Sujet récurrent qui tétanise les acteurs de la distribution avec la volonté des Pouvoirs publics, plus ou moins affichée, de réguler les pratiques de rémunération.
Dans ce débat, qui reprend de la vigueur avec la perspective de la révision stratégique imaginée par Bruxelles, une décision de bon sens vient de tomber. Le régulateur allemand, (la Bafin), vient de faire savoir qu’il abandonnait son projet de contingenter les commissions en assurance vie. Cela s’inscrit dans cette préoccupation plus large du poids des rémunérations et plus largement des frais dans les contrats. Ce débat est biaisé car il a plusieurs facettes. En premier lieu, l’intérêt du client, ensuite le modèle économique qui finance une activité bien plus large que la seule interface avec le client, enfin les prestations qu’elle recouvre. L’enjeu est donc de bien identifier la valeur ajoutée. Pour l’essentiel, la clé réside dans le service rendu, à qui il l’est et qui en supporte le coût réel. Sachant que si la clé est dans la relation entre le distributeur et son client, il faut aussi considérer le modèle économique global qui doit permettre d’adresser des offres au plus grand nombre possible de clients à un coût acceptable par tous.
Ce qui est paradoxal dans ces approches est que l’on présuppose à la place du client. En réalité personne ne le place vraiment en situation de faire ses choix. C’est d’autant plus curieux que chacun se réclame d’une économie libérale dans laquelle les jeux du marché arbitrent des meilleures solutions possibles. De fait, la question principale est celle de la capacité du client à déterminer librement ce qu’il veut et/ou ce qu’il ne veut pas. C’est lui qui in fine en assume le prix et l’apprécie à l’aune des prestations qu’il perçoit ou qu’il pense ou espère percevoir. Il y a quelque chose d’infantilisant dans la démarche des organisations de consommateurs comme de la Puissance publique à vouloir, au motif de le protéger, entraver ses choix.
La question posée est donc bien celle de la valeur ajoutée qui doit être réelle, consistante et bien perçue par celui à qui elle est destinée. Son corollaire est qu’il bénéficie des informations nécessaires à sa bonne et complète compréhension. Et, c’est là que nous rencontrons la mission des Pouvoirs publics d’imposer que la transparence soit suffisante, les informations correctement délivrées et dans sa fonction régalienne de s’assurer que l’une des parties n’abuse pas l’autre en pratiquant des niveaux de rémunération ou des conditions qui ne respectent pas les intérêts des clients. C’est, semble-t-il, l’orientation prise par le régulateur allemand.
Il est grand temps de considérer le client apte à faire ses choix. En revanche, il faut mettre à sa disposition les moyens et les outils pour le faire et lui permettre d’assumer ses responsabilités de manière plus libre, mais aussi plus engageante. Les professionnels de la distribution doivent faire un effort pour clarifier leur valeur ajoutée, la « vendre » au moins autant que le produit. A l’évidence les marges de progrès sont réelles y compris sur le terrain des rémunérations. C’est un chantier délicat auquel il faut se préparer, car à l’évidence nous y allons et il est grand temps de sortir du déni
Henri DEBRUYNE