Que faire du surplus d’épargne ?
Voilà bien un débat à la française. Les Français plus contraints que volontaires ont épargné plus de 100 milliards d’euros au-delà de leur épargne habituelle. Que faire de ce fruit de la pandémie ? Le taxer, l’orienter vers la consommation ou essayer de le stabiliser sur des placements durables ?
Ce surplus d’épargne est réalisé à 70% par 20% des ménages les plus aisés. A l’opposé de la pyramide, les ménages les moins favorisés ont plutôt puisé dans leurs réserves et se sont donc appauvris. Ce phénomène d’épargne a été également observé, toutes proportions gardées, à la suite des mesures gouvernementales en réponse à la crise des gilets jaunes. Les Français ont préféré épargner que dépenser. De fait, les économistes cherchent encore l’impact majeur qu’auraient dû produire sur la consommation les sommes ainsi distribuées. Les Français sont épargnants, c’est un trait de leurs comportements sur lequel il faut s’appuyer.
La consommation repartira, les dépenses repoussées se feront. La question est d’imaginer comment orienter cette épargne vers les besoins de demain. L’un des plus criants est le financement du grand âge et plus précisément celui de la dépendance. Dans moins de 20 ans, en 2040, 14.3 millions de personnes auront plus de 75 ans, plus d’un tiers d’entre elles seront dépendantes avant de mourir. Assumer les besoins nés de cette situation est une question centrale, sachant que 75% des retraités perçoivent une retraite inférieure à 2067 euros par mois. Personne ne peut nier que les besoins du grand âge ne sont pas financés.
Une assurance dépendance obligatoire par répartition est régulièrement évoquée. Ce projet revient en réalité à faire financer par les plus jeunes l’imprévoyance de leurs ainés. Certes, pas de tous car certains auraient bien voulu, mais n’en avaient pas les moyens. Mais 70% des plus de 60 ans sont propriétaires de leur résidence. C’est la preuve qu’ils ont su économiser. Or, ces sommes sont devenues, de facto, improductives. Elles constituent un actif dormant. Il est donc nécessaire de faire évoluer l’épargne des Français. S’il est certes nécessaire qu’ils se logent, il faut trouver le moyen que ce ne soit pas leur seul actif de surcroit immobilisé. Ils doivent aussi pouvoir financer également leurs besoins nés du vieillissement.
Cela suppose une approche différente de la constitution et de la gestion de son patrimoine y compris par la Puissance publique. Ensuite, bien intégrer que la vie est longue, de plus en plus, et que la fin de la vie active ne se traduit pas par l’entrée irrémédiable dans une période de déclin sur fond d’autarcie. Les seniors sont actifs, il faut faire en sorte que la gestion de leur patrimoine le soit et en adéquation avec leur propre évolution. Il faut inverser l’idée selon laquelle cette période de la vie est improductive sinon pour l’essentiel un centre de coûts. Ce n’est pas le cas.
Orienter des flux d’épargne vers la couverture de ces besoins est nécessaire. Pour y parvenir, il faudra des produits financiers attractifs, une fiscalité incitative et inscrire cela dans une démarche plus dynamique. Se préoccuper du financement de ses vieux jours quand ils sont là est un peu tard. Contrairement à une idée répandue, les jeunes actifs ne sont pas imperméables à ces réflexions. Ils constatent les impacts de ces besoins sur leurs propres ainés et voient bien que ce n’est pas un phénomène marginal. Inutile de souligner que l’assurance peut jouer un rôle central dans cette approche dont on parle certes de plus en plus, mais dont les initiatives bien que louables restent modestes et très éloignées de l’ampleur des besoins
Henri DEBRUYNE