Pratiques commerciales en zone de turbulence
L’ACPR avait prévenu : les pratiques commerciales seront à son agenda de 2021. Manifestement, elle n’est pas la seule à s’en préoccuper, au point que ce sujet est devenu très sensible. Il est temps d’en faire un axe de valorisation.
L’actualité est portée par la réforme du courtage, voulue par la Direction Générale du Trésor ; un titre bien ambitieux pour une réalité plus modeste. En effet, la capacité d’action des associations d’autorégulation restera limitée. En revanche, les parlementaires en ont profité pour réhausser les obligations en matière de démarchage téléphonique, renforçant ainsi les modalités prévues par la loi du 24 juillet 2020 dite Naegelen. Si l’ACPR a déjà sanctionné des manquements, c’est la DGCCRF qui porte le plus durement le fer, preuve d’ailleurs que ce sujet dépasse largement les frontières de la distribution de l’assurance.
Ainsi, progressivement les normes réglementaires se renforcent et deviennent concrètes pour le quotidien des distributeurs d’assurance. Deux champs sont en train de s’ouvrir, le premier autour du devoir de conseil et le second sur les rémunérations et les conflits d’intérêts. Ce n’est pas, à proprement parler une nouveauté, mais sur la délivrance du conseil le respect du formalisme est désormais relevé lors des contrôles de l’ACPR. Le distributeur d’assurance doit formuler clairement sa recommandation et la justifier. Toujours dans ce registre du conseil, l’Autorité de contrôle vient de tancer un courtier pour des pratiques professionnelles qui pourraient porter atteinte aux intérêts des assurés. En l’occurrence, ce courtier avait diffusé des informations inexactes et imprécises sur la solvabilité d’une compagnie d’assurance opérant en LPS et dont il connaissait les graves difficultés financières. Sur ce plan, l’ACPR approfondit la position qu’elle avait déjà indiquée par la voix de Bernard Delas qui, en mai 2018, rappelait les courtiers à leur devoir de conseil et aux responsabilités qui leur incombent lorsqu’ils font le choix d’un partenaire assureur.
La question des rémunérations et de la prévention des conflits d’intérêts se profile à bas bruit. Au-delà du débat sur les commissions ou les honoraires, les pratiques incitatives et plus largement les formules qui sont manifestement éloignées du strict respect de la prévention des conflits d’intérêts sont à bannir. On peut le déplorer, c’est une affaire de point de vue, mais il est dangereux de ne pas le respecter. C’est prendre le risque d’une réglementation plus drastique encore et d’un renforcement des contrôles de ce chef. Nous pouvons anticiper que l’ACPR, qui a eu jusque-là une politique en cette matière peu sévère, n’en restera pas là. La mauvaise image que diffuse la survivance de ces pratiques justifiera les arguments de ceux qui veulent renforcer l’arsenal répressif.
Trop de professionnels et non des moindres s’affranchissent des règles et soutiennent qu’elles sont trop lourdes, complexes et qu’elles gênent leur business. Ils prennent la responsabilité évidente d’être rattrapés par la patrouille et donc sanctionnés. Alors qu’un autre chemin s’ouvre à eux. Celui de maîtriser ces normes et d’en faire un axe de valorisation. Ce n’est pas une vue de l’esprit, certains s’y emploient et en font un levier de performance et cela se mesure sur leur profitabilité
Henri DEBRUYNE