Pratiques commerciales : du progrès, mais peut mieux faire !
Les visites d’agences, qu’elles soient effectuées par l’ACPR lors de contrôles ou lors de visites mystères pour le compte de l’AMF, montrent une amélioration des pratiques commerciales.
Depuis 2010, l’AMF1 fait réaliser des visites mystères pour évaluer les pratiques commerciales des réseaux des banques présentes en France. Celle réalisée en 2022 s’est insérée dans un cadre européen coordonné par l’Autorité européenne des marchés financiers (Esma). Premier constat, la majorité des établissements ont amélioré la prise en compte des obligations relatives à MIF 2. Notamment, sur le questionnement client afin de bien cerner la tolérance aux risques, la capacité à subir des pertes, la connaissance et l’expérience du client en matière de produits financiers. Néanmoins, ces notions semblent encore délicates à manier pour les conseillers qui ne se sentent pas à l’aise avec elles. En effet, la complexité nécessite une maîtrise qui ne semble pas la plus partagée. Par ailleurs de fortes lacunes sont déplorées sur l’information relative aux coûts et charges des instruments financiers et sur le type de conseil délivré et son indépendance. Dans 70% des visites, le conseiller n’a pas donné cette information, ni oralement, ni par écrit.
Dans les réseaux bancaires, le support le plus proposé reste l’assurance-vie. Il l’est spontanément par 67% des conseillers. Ceux-ci suggèrent en priorité une répartition entre fonds euros et supports en unités de compte. Il est permis de penser que cette inclinaison, un peu trop systématique, résulte de la moindre connaissance des solutions plus que de la recherche de réponses élaborées, par construction plus complexes.
L’ACPR, de son côté, au gré des contrôles qu’elle réalise pointe des insuffisances qu’elle entend faire corriger en publiant prochainement une recommandation attendue déjà depuis plusieurs mois. Elle devrait préciser les modalités de la gouvernance produits qui reste le dispositif, issu de la DDA, le moins respecté. Aujourd’hui, un certain formalisme juridique imprègne la mise sur le marché des produits, mais les procédures d’évaluation des clientèles-cibles et de leurs besoins restent modestes sinon insuffisantes. Il en est de même pour les critères d’évaluation des adaptations nécessaires des produits une fois mis sur le marché ainsi que de la révision des bibliothèques de produits.
Les organismes d’assurances et les autres concepteurs de produits doivent se préparer à une mise à niveau drastique tant leurs pratiques actuelles semblent éloignées des attentes du régulateur. Il en est de même de l’articulation des stratégies de distribution pour lesquelles ils vont devoir fournir un double effort. En premier lieu, vérifier que celles-ci sont compatibles avec le(s) marché(s) cible(s), notamment dans le choix du réseau et des distributeurs. Ensuite, ils doivent s’assurer que le produit est distribué aux clients tel que prévu par les modalités fixées par la gouvernance. Ce qui implique des dispositifs sensiblement plus importants que ce que nous pouvons observer aujourd’hui et un contrôle efficient.
Enfin, bien dans l’air du temps, le régulateur devrait clarifier sinon rappeler les règles qui désormais encadrent les rémunérations. Si l’on comprend la doctrine qui semble animer l’ACPR, une lecture claire des incitations proscrites et des pratiques non compatibles avec l’intérêt de chaque client devrait permettre de mettre fin aux débats, parfois en forme d’arguties sur ce qu’il est possible de faire et de ne pas faire.
En réalité, l’AMF comme l’ACPR déclinent la directive et ne s’en écartent à aucun moment. Toutefois, leurs explicitations sont indispensables surtout lorsqu’elles sont nourries de leurs observations de terrain.
1https://www.amf-france.org/fr/actualites-publications/communiques/communiques-de-lamf/visites-mystere-en-agences-des-progres-accomplis-dans-le-questionnement-du-client-mais-des
Henri DEBRUYNE