L’intelligence artificielle entre fantasme et pragmatisme

par | 27 Juin 2024 | Eclairage

Évolution ou révolution ? L’intelligence artificielle prend en tout cas une place croissante dans de multiples activités. Avec la promesse d’accroitre la compétitivité, de fluidifier les organisations, de rationaliser et d’optimiser l’exploitation des bases de données. Avec, à la clé de nouvelles opportunités de croissance et d’innovation. Certains s’en félicitent, d’autres sont dubitatifs, voire inquiets. L’IA doit encore convaincre.

Depuis l’apparition de ChatGPT, l’intelligence artificielle est devenue plus concrète. Du coup elle suscite à la fois admiration, inquiétude et scepticisme. Dans nombre d’organismes d’assurances elle est déjà une réalité. Dans des métiers où la masse des informations, des données – la data – est considérable, elle trouve des terrains de prédilection. Les systèmes alimentés par l’IA excellent dans l’exécution de diverses tâches cognitives, souvent de manière plus efficace, plus rapide et plus économique que les humains. Pour autant, elle n’est en rien une solution miracle pas plus qu’une menace existentielle. Les experts en conviennent eux-mêmes, si elle permet d’effectuer de nombreuses tâches répétitives, elle est sans affect et se heurte à la dimension de l’émotion. Laquelle est le vecteur de la confiance, si indispensable à la condition humaine.

Certes, il ne faut pas se voiler la face et être bien conscient que les progrès apportés par l’IA ne sont pas sans risque. C’est d’ailleurs pour cette raison que la Commission européenne a fait adopter une réglementation spécifique (AI Act) en février dernier. L’objectif est bien d’instaurer un cadre de confiance pour lever les préventions des citoyens comme des entreprises à l’égard des changements et parfois des bouleversements que l’IA apporte. C’est un préalable, mais il n’est pas suffisant. Il convient de bien percevoir et faire partager les progrès en termes de bénéfice, mais aussi et surtout des limites évidentes. S’il est acquis que l’IA soutiendra l’économie mondiale1, il ne faut pas en attendre plus qu’elle ne peut donner.

L’enjeu est de libérer les acteurs en les focalisant sur des activités plus enrichissantes, et donc à plus grande valeur ajoutée, tout en améliorant leur productivité et leur efficacité. Or, aujourd’hui une perception diffuse s’installe, celle de passer d’une sujétion, voire d’une aliénation à une autre. Faire partager la conviction qu’il s’agit d’un tremplin pour le futur, suffira d’autant moins que les expériences diffusées à ce jour montrent que l’IA sert le plus souvent davantage à améliorer l’excellence opérationnelle qu’à stimuler l’innovation. Ce qui ne lui donne pas un souffle porteur.

Nous en revenons à une observation, probablement vieille comme le monde. C’est la problématique du changement qui, pour réussir, implique que les acteurs se trouvent demain dans une situation plus favorable que celle qu’ils connaissent aujourd’hui. Et, qui plus est, dans laquelle ils auront une réelle maîtrise que ce soit sur les aspects qui les concernent comme dans les fonctions qui leur sont confiées. Cela existe déjà dans les outils d’aide à la décision. En d’autres termes, ce n’est pas l’IA qui mène le dispositif, c’est l’acteur qui en décide. Et ce ne doit pas être qu’une formule. C’est l’une des conditions sine qua non de son succès.

Attention, le mouvement de l’intelligence artificielle est déjà parti et bien parti. Ceux qui sont en train de se faire distancer auront du mal à combler leur retard.
1 McKinsey estime que l’intelligence artificielle pourrait entraîner une croissance du PIB mondial de 1,2% par an jusqu’en 2030.

Henri DEBRUYNE

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