Les pratiques commerciales préoccupent les autorités
C’est un tir groupé ! Les pratiques commerciales sont au centre des préoccupations des autorités. Une sollicitude dont les intéressés se seraient bien passés, mais qui est aussi le fruit de situations qui n’ont été ni anticipées, ni gérées.
La Commission européenne entend mettre de l’ordre dans les rémunérations. Elle est aiguillonnée par les organisations de consommateurs et d’épargnants qui demandent, ni plus, ni moins, que la suppression des commissions sur les produits financiers et d’assurance-vie, au moins dans un premier temps. Un thème qui intéresse de plus en plus les parlementaires européens et qui sera au cœur des travaux du prochain semestre. Sans attendre, Jean-Paul Faugère, vice-président de l’ACPR, a rappelé1 que l’existence de frais élevés sur des produits d’investissement fait que « le retour sur investissement ne bénéficie pour l’essentiel qu’aux intermédiaires financiers ». Pour corriger cela, l’ACPR n’écarte pas l’option d’une recommandation dont l’objectif serait d’accroitre le niveau de transparence et les facultés de comparaisons entre les acteurs. Une petite révolution en soi !
Si les Pouvoirs publics français plaident pour l’encadrement des frais et des rémunérations et leur transparence, c’est pour éviter l’effet massif de l’interdiction totale des commissions, dont les autorités européennes agitent le spectre. Mais cela ne résout pas tout, car pour définir une transparence réelle et compréhensible par les clients, il sera, bien sûr, nécessaire d’en fixer les règles et de les faire appliquer par tous. Sur ce terrain, les professionnels sont étrangement discrets, hormis le fait qu’ils en rejettent le principe. Or, c’est ce qu’appelle de ses vœux le superviseur qui constate un décalage entre ses attentes et la réalité sur la transparence des coûts et des frais en assurance-vie. « Un mouvement des professionnels serait opportun voire nécessaire. Ce mouvement devrait se caractériser par une double exigence : de transparence et d’autoévaluation ». Et, Jean-Paul Faugère enfonce le clou « Si nous voulons maintenir la mécanique de commission dans la distribution d’assurance, les intermédiaires ont le plus grand intérêt à veiller à une plus grande application des règles actuelles ». On ne peut être guère plus explicite !
Sur le même plan, le superviseur observe que « des points fondamentaux de la DDA demeurent imparfaitement respectés… » et que notamment « la prise en compte de l’intérêt du client concerne toute la chaine de valeur » y compris les assureurs. Chaque maillon de la chaine de distribution : assureur, courtier grossiste, courtier de proximité doit s’assurer de mettre en place des dispositifs pour prévenir les conflits d’intérêts et d’identifier les risques. « Dans le cas où la rémunération du distributeur, que ce soit individuellement ou collectivement, induit un biais dans la commercialisation, il y a infraction à la DDA. L’orientation du conseil ne saurait résulter d’un intéressement du distributeur », explicite Jean-Paul Faugère.
Cette position, strictement calée sur la DDA, souligne deux choses. La première est la réalité de la chaîne de distribution dont chaque maillon doit être cohérent et conforme avec les obligations de l’ensemble et les assureurs doivent y veiller. Le second est que le filet se resserre sur les pratiques qui induisent des biais commerciaux, en particulier sur les rémunérations, susceptibles de générer de potentiels conflits d’intérêts. On peut penser que le précompte est visé, mais pas seulement. L’annonce est forte, les contrôles ne vont pas tarder.
1 Lors du colloque organisé par l’ACPR le 5 décembre 2022
Henri DEBRUYNE