Les commissions, et maintenant ?
La commissaire européenne Maired McGuinness ne proposera pas l’interdiction des commissions1, mais en contrepartie elle prépare des mesures de transparence et un encadrement strict des incitations.
Est-ce un revirement ? Probablement pas. Plus certainement, la prise en compte d’un modèle économique dont la mise en cause brutale aurait été gravement préjudiciable à la collecte des investissements. Devant la forte mobilisation des défenseurs du système actuel et l’incertitude des conséquences d’une mesure totale d’interdiction, la commissaire européenne a préféré temporiser. Pour autant, elle n’a rien abdiqué de sa volonté de mieux protéger les intérêts des investisseurs de détail en renforçant la qualité et l’objectivité du conseil.
En fait, Maired McGuinness ambitionne de faire le lien entre l’achèvement du marché des capitaux, nécessaire pour orienter les grands flux d’épargne vers l’économie européenne, et la manière dont ils sont collectés. Le rôle des conseillers étant incontournable et indispensable pour susciter la confiance des investisseurs, c’est sur leurs comportements que l‘édifice repose en grande partie. Convaincue que le statu quo actuel ne sert pas les intérêts des consommateurs, elle veut corriger les pratiques commerciales qui les desservent.
L’interdiction brutale des commissions (ou rétrocommissions) ne semblant pas appropriée, elle y renonce, pour l’instant. En revanche, elle appelle à des mesures significatives pour éviter les conflits d’intérêts. Deux propositions émergent. La première est de renforcer la transparence des frais et des rémunérations, la seconde et de bannir toutes les incitations qui ne sont pas alignées sur les intérêts des consommateurs. Ce qui pour la France, nous renvoie aux recommandations du CCSF2 ainsi qu’à celles de l’ACPR3. Et, pour que les choses soient claires, Maired McGuinness précise que si ces mesures ne corrigent pas les comportements dénoncés, l’interdiction des commissions redeviendra une option incontournable. Pour ceux qui, après avoir senti le vent du boulet, reviendraient au business as usual, elle signifie que rien ne sera plus comme avant !
Et maintenant ? Le dispositif de la RIS4 doit être dévoilé le 23 mai. Diverses dispositions devraient y figurer autour de la transparence, de l’information, de l’interdiction plus formelle des incitations et une invitation pressante faite aux régulateurs d’augmenter la surveillance et le contrôle des pratiques commerciales et des incitations. La France est déjà dans les starting blocks. Une lecture attentive de la recommandation du CCSF et de celle de l’ACPR, laquelle concerne d’ailleurs les activités d’assurance vie et non-vie, permet de comprendre ce qu’il est possible de faire et de ne pas faire. Rien de tout cela n’est nouveau, aucune de ces mesures ne tombe du ciel. Ces dispositions se situent dans la droite ligne de la DDA comme de MIFID.
De grâce, arrêtons de tergiverser, de faire de la mauvaise sémantique pour interpréter dans le sens de ses propres intérêts ce qui n’est pas compatible avec ceux supérieurs des consommateurs. Il n’est pas possible de manager le développement et d’animer les réseaux par des incitations liées aux produits vendus.
1 Discours du commissaire McGuiness au séminaire de haut niveau d’Eurofi à Stockholm le 27 avril 2023
2 Recommandation du Comité consultatif du secteur financier du 11 avril 2023
3 Recommandation sur la mise en œuvre de la DDA en cours de finalisation
4 Retail investment strateg
Henri DEBRUYNE