Les banques soupçonnées de pratiques anti-concurrentielles
Les courtiers en crédit s’insurgent devant les pratiques des banques. Ces dernières seraient coupables d’entrave à la liberté de choix de l’assurance emprunteur et s’opposeraient au libre exercice de l’activité d’intermédiaire en crédit.
Deux critiques sont formulées à l’encontre des banques. Elles ont conduit à la saisine de la DGCCRF* par le ministre de l’économie, Bruno Le Maire. La première critique dénonce différentes entraves au libre choix de l’assurance emprunteur avec pour objectif évident d’éviter de perdre une activité lucrative. La seconde critique fait état de pratiques commerciales qui tendraient à restreindre l’exercice de l’activité d’intermédiaire en crédit. Ces deux reproches illustrent la situation d’un marché très disputé sur lequel les acteurs dominants ont bien du mal à céder de la place aux nouveaux venus.
Les banques ont organisé depuis très longtemps, autour de leur activité de prêteur, un écosystème qu’elles dominaient sans partage. SI la concurrence existait apparemment sur les taux de crédit, elle était inexistante sur l’assurance emprunteur qui leur procurait des revenus considérables. Une situation qui a fini par être contestée par le législateur puis par le marché qui s’est employé à créer de la concurrence. Les courtiers en crédit ont ainsi développé une activité soutenue. Aujourd’hui, ils captent 40% des dossiers (60% des clients âgés de moins de 35 ans). Ils constituent donc une menace.
Au moment où les réseaux bancaires voient la rentabilité de leurs activités se dégrader, la remise en cause de l’écosystème installé autour du crédit est inquiétante. Aussi, les banques se sont employées à protéger leurs parts de marché. C’est de bonne guerre, à condition que les moyens utilisés ne soient pas critiquables. C’est tout le débat.
A l’évidence, il semblerait que les résistances mises en place aient la fâcheuse tendance de restreindre ou fermer le libre exercice de la concurrence. Que ce soit dans l’exercice de ce droit par le client qui peut légalement choisir l’assureur de son choix sous réserve que les garanties correspondent. Ou encore à travers les conditions qui seraient imposées aux Courtiers IOBSP et qui auraient pour effet de restreindre leur intervention au bénéfice de leurs clients.
L’avenir proche nous dira ce qu’il en est. Ce qui est sûr, c’est que nous sommes face à deux questions de principe. Comment faire respecter le libre choix par le client de son assureur ? C’est le sens de la question posée à l’ACPR dont les contrôles opérés depuis 10 ans n’ont jamais, semble-t-il, mis en évidence des pratiques contraires à la loi. Elle vient d’être saisie de ce point. La seconde question porte sur les restrictions à l’exercice de l’activité de l’intermédiaire. Celui-ci, peut-il se voir interdire par une banque de proposer un dossier alors que cela fait partie du cœur d’activité de cette banque ? A fortiori, un établissement de crédit peut-il limiter ou interdire à un intermédiaire IOBSP la faculté de présenter par ailleurs l’assurance emprunteur avec un autre assureur ?
Cela nous ramène aux anciennes questions sur les positions dominantes, les relations déséquilibrées entre des acteurs puissants et des opérateurs modestes. Quelle est la largeur des fourches caudines ? Sur ce plan, la tolérance de pratiques contestables s’est fortement réduite. Le droit des obligations a renforcé la protection des « modestes », celui de la concurrence ne veut plus supporter des dispositions ou des attitudes qui freinent la concurrence ou renforcent les positions dominantes. Les réponses apportées par la Puissance publique et probablement, à assez court terme, par la jurisprudence risquent d’être féroces.
Henri DEBRUYNE
*DGCCRF Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes