Les Assureurs seraient-ils punis ?
Les complémentaires santé seront taxées d’une « contribution de solidarité exceptionnelle de 1.5 milliards d’euros ». L’assurance n’a pas bonne presse, c’est un bon argument pour la mettre en coupe réglée.
La raison invoquée est que ces organismes auraient économisé 2 milliards d’euros lors de la période du confinement. Une cagnotte qu’il convient de vider le plus vite possible. Ce qui étonne, c’est l’empressement des gouvernants alors que pour l’instant personne n’en connait la réalité précise tant que les comptes ne sont pas arrêtés. Certes, des estimations circulent, mais ce ne sont que des supputations, estimations, projections, comme on voudra, l’exercice est en cours.
De deux choses l’une, soit nos dirigeants ne comprennent rien à l’assurance, laquelle a besoin de temps pour évaluer les sinistres et a minima que les comptes soient arrêtés. D’ailleurs, en ce domaine, les annonces précipitées sont généralement démenties. Ce serait leur faire injure, ils sont compétents et soutenus par des équipes au niveau. Soit, autre hypothèse, il faut tordre le bras à cette profession qui s’est montrée rétive, et, à tout le moins inorganisée.
Bataille de chiffres, incompréhension et indignation n’y feront rien, les complémentaires seront taxées sans état d’âme ! L’enjeu est la solidarité. Car au fond cette cagnotte est indigne. Celle des complémentaires santé, mais aussi celles des risques peu engagés pendant cette période. Il fleure autour d’elles un parfum de sommes mal acquises. D’ailleurs, certains acteurs ne se sont-ils pas empressés de restituer une partie de ces sommes à leurs clients ? Qu’une partie notable des acteurs de ces marchés soit des mutualistes ou des IP et donc les instruments mêmes de la solidarité désintéressée ne vient à l’esprit de personne.
Il faut bien reconnaitre que le secteur de l’assurance est le seul mis en coupe réglée de cette manière. Les assureurs ne sont guère en état de protester. Ils sont inaudibles et le resteront probablement encore longtemps. Que le commun des mortels se laisse aller à considérer l’assurance comme une forme de racket moderne peut s’admettre, mais que les élites ne se démarquent pas de cette vision manichéenne est plus inquiétant. Cela souligne le fossé entre cette activité, indispensable à la société sous tous ses aspects, et la perception d’utilité que les dirigeants en ont.
Certes, la complémentaire santé est une branche quasiment administrée par l’Etat. Les assureurs n’ont guère de marge de manœuvre et sa réglementation tue dans l’œuf toute forme d’innovation. De plus ses équilibres techniques plus qu’aléatoires et la solvabilité de nombre d’acteurs moins solide que nous pourrions le croire. Un observateur non averti s’interrogerait sans nul doute sur son bien-fondé – même, entre le poids de la sécurité sociale et des contraintes réglementaires devenues tentaculaires. Mais le secteur est-il à l’abri d’une pareille dérive sur d’autres branches d’activité dont la Puissance publique considèrerait qu’elles revêtent une importance sociale, économique ou confinent au régalien et qu’au fond il serait légitime qu’ils s’en mêlent. Dans les épisodes liés à l’applicabilité des garanties des pertes d’exploitation, la tentation fut bien forte de voir la sphère politique s’en mêler. L’argument des dégâts sur la solvabilité des assureurs l’a fait reculer. Mais le risque n’est pas totalement écarté.
Manifestement l’assurance n’a pas bonne presse, c’est un bon argument pour la mettre en coupe réglée.!
Henri DEBRUYNE