Le grand débat qui vient : le partage de la valeur
Les discussions autour des commissions relancées par la RIS1 ont ravivé d’anciennes querelles et posent de bonnes questions. Le niveau des coûts, leur répartition dans la chaîne commerciale et le rapport entre ceux-ci et la prestation réellement servie aux clients.
Quels coûts, pour quels services ? Une question factuelle, mais jusque-là soigneusement éludée parce qu’elle est difficile à traiter dans une activité où l’intrication entre les différents acteurs qui composent la chaîne de distribution est importante. Elle est telle d’ailleurs, que le sempiternel qui fait quoi est devenu un exercice complexe et souvent inutile. En effet, il se heurte à une réalité systémique bien ancrée. Les distributeurs réalisent des tâches qui peuvent être considérées comme du ressort des compagnies, mais à travers des process mis à leur disposition et gérés par elles. Immanquablement, les apostrophes habituelles relancent d’inutiles querelles que l’on se garde bien d’éclairer de la rationalité économique. Le surcoût c’est l’autre, les effets pervers, c’est le système. Ainsi, les autorités européennes qui fustigeaient, à travers la RIS, un système de rémunération fondé sur les commissions, ont dû se rendre à l’évidence. Le principe de la rémunération proportionnelle est simple et il mutualise la charge, sans avoir d’effet inflationniste. L’économie du système s’équilibre. Du coup le principe de réalité s’impose, heureusement. Pour autant, le débat n’est pas clos. Il se réactive au sein des entreprises entre les forces commerciales et les organisations des compagnies. Une première évidence, qu’il faut quand même rappeler, in fine c’est le client qui paye. La question est donc de savoir s’il y a une vraie différence de prix entre les différentes formes de distribution. Toutes choses étant égales par ailleurs, les écarts de chargement (frais généraux + frais d’acquisition) rapportés aux prix des produits sont assez faibles d’un système à l’autre. Personne ne peut se targuer d’avoir des couts disruptifs. Preuve que la concurrence fait son œuvre, même si, ici où là, subsistent des poches de résistance (emprunteur, etc.). Néanmoins, cette observation2 ne suffit pas. Le système actuel ne résout pas toutes les questions et, en particulier, celle de la prestation perçue par le client. D’ailleurs, l’évolution réglementaire s’en est emparée en normant les prestations. La question posée est donc bien celle de la valeur ajoutée qui doit être réelle, consistante et bien perçue par celui qui la reçoit. L’enjeu, ensuite, est celui de son partage qui doit inclure le client. Cet aspect est particulièrement sensible sur les produits d’épargne où l’impact des frais et rémunérations entame directement la performance du produit. En assurance de risque, le débat est moins vif, mais l’acuité l’est tout autant. Le résultat technique ne peut pas être disproportionné, c’est-à-dire trop faible par rapport à la cotisation affichée. L’ACPR l’a rappelé récemment en fustigeant certains produits dont la marge technique est bien trop élevée et sans rapport avec le risque couvert. Ce qui pose la question de la réalité du service proposé. Le partage de la valeur est donc en train de s’imposer. Il a progressé longtemps à bas bruit, mais il devient progressivement central. Il faut donc s’en emparer et s’appuyer sur des principes d’équité, de transparence et de pérennité qui sont consubstantiels à l’activité d’assurance fondée sur la confiance et le temps long. Cette approche, si elle ne résout pas tous les problèmes, est une démarche puissante dans la mesure où elle aligne les intérêts autour du client et pas seulement du business. Du même coup, elle force les parties à trouver des positions plus positives sinon harmonieuses.
1 Retail investment strategy
2 Travaux du MEDI sur la performance des systèmes de distribution
Henri DEBRUYNE