Le conseil en assurance : les chatbots advisors sont-ils la solution ?
Face au coût du conseil en assurance, certains préconisent le recours aux chatbots advisors.
La Commissaire européenne aux Services financiers, Mairead McGuinness, qui pilote la révision stratégique1 (RIS) aurait suscité la stupeur en proposant, parait-il, d’avoir recours aux chatbots advisors pour minimiser le coût du conseil dans la distribution des produits financiers et d’assurance-vie. En fait de révision stratégique, nous assisterions à une formidable régression.
Rappelons qu’un chatbot est, en fait, un agent conversationnel qui utilise l’intelligence artificielle pour délivrer des messages après avoir préalablement interprété une question ou une situation. Nourri d’algorithmes, il analyse, détecte, prédit et suggère des actions ou des solutions. Ses prouesses sont remarquables à l’instar de sa disponibilité (24h/24 et 7 jours sur 7) et de ses immenses capacités de traitement. Il est, pour les plus récents, qualifié d’auto-apprenant et donc capable de s’adapter à des évolutions.
En revanche, il reste une machine, par construction dénuée d’affect et qui, d’une certaine manière, récite ce qui lui a été appris. Las, l’assurance a des particularités dans lesquelles il ne semble pas pouvoir se mouvoir. Ses capacités font merveille pour traiter des données, les classer et les analyser dans une logique probabiliste. Il suggère au fond des options. En réalité, il lui manque une dimension essentielle, la compréhension fine de ce qui relie le factuel aux émotions et génère cette caractéristique essentielle, la sensibilité, pur produit direct de l’intelligence humaine.
Or, c’est bien cette dimension relationnelle qui forge la confiance, sans elle pas d’affaires. Et, plus celles-ci sont délicates et complexes et plus ce niveau d’interaction est important. La capacité d’ajustement à un client pour décrypter ce qu’il dit et surtout ne dit pas, la faculté de reformuler et de capter les signaux sensibles font la différence. D’ailleurs, l’analyse des biais comportementaux dans la souscription des produits d’assurance montre combien l’impact de l’intermédiation humaine a une incidence élevée sur la qualité des solutions produites. Abandonner le conseil aux capacités d’une machine, fût-elle irriguée par l’intelligence artificielle, est un formidable recul. Il est contraire à l’esprit et à la lettre de la Directive européenne2 qui a voulu que le conseil soit effectif et adapté à la souscription de chaque produit. Et, pour être précis ce conseil ne peut qu’être une recommandation personnalisée formulée après l’analyse des besoins.
Enfin, sur l’hypothèse que l’activité d’un chatbot advisors serait moins chère, rien n’est démontré à ce stade. En revanche, il peut être un assistant efficace pour aider celui qui délivre le conseil à optimiser sa prestation.
De grâce, n’inversons pas l’ordre des facteurs. S’il y a un problème de coût du conseil, traitons-le ! Généralement c’est la concurrence qui s’y emploie lorsqu’elle peut s’exercer librement. Faisons en sorte qu’elle le puisse et observons les résultats. Ne donnons pas de vertus à des dispositifs qui ne sont pas faits pour cela. Sinon, il faudra contrôler les algorithmes pour vérifier leur niveau d’objectivité produit par produit, situation par situation. Ensuite, il restera une tâche ardue, celle de s’atteler aux biais comportementaux pour corriger leurs effets pervers.
1 Retail investment strategy (RIS), est une consultation lancée par la Commission européenne en mai 2021 pour préparer la révision des directives DDA et MiFiD 2.
2 Aucun produit d’assurance ne devrait plus être vendu en Europe sans le conseil adapté. Propos de Michel Barnier Commissaire européen lors de la présentation du projet de DDA en juillet 2012
Henri DEBRUYNE