L’assurance atteinte par le soupçon !
Les débats qui entourent l’applicabilité des garanties de pertes d’exploitation s’alourdissent d’un nouvel épisode : celui du soupçon. La garantie est-elle acquise ? Oui ou non. Faute d’y répondre de manière claire, le soupçon se propage, c’est un véritable poison.
Le président du Crédit mutuel annonce, en s’assurant d’un bon relais dans les médias, que sa filiale assurances de dommages va distribuer des aides significatives pour « répondre à l’inquiétude de nos clients professionnels ». Une prime forfaitaire d’en moyenne 7000 euros destinée donc à compenser l’absence de prise en charge des pertes d’exploitation et cela pour un coût total de 200 M€. Au micro de France inter, il précise que la garantie n’est pas acquise. Ce qui justifie les aides mises en place. Donc, pas de garantie, mais des libéralités pour marquer la solidarité.
Las, les juristes passent au crible les conditions générales, les dispositions particulières du fameux contrat en cause et dégagent assez vite un large consensus pour dire que leur lecture est différente. Les garanties seraient acquises. Le débat est ouvert et il ne sera refermé que lorsque les Tribunaux auront tranché. L’affaire fait grand bruit et vient alimenter une polémique dont l’assurance n’avait pas besoin. Après l’affaire du Hellfest, le célèbre festival pour lequel l’assureur refuse sa garantie d’annulation, après l’assignation lancée par des restaurateurs assurés par l’intermédiaire de SATEC, mais dont l’assureur refuse la prise en charge, le débat tourne à la polémique. Bien sûr, l’accusée est l’assurance.
Les assureurs sont, comme dans l’affaire du Crédit mutuel soit des incompétents qui n’ont pas été capables de rédiger des clauses claires et incontestables, soit des manipulateurs qui évitent de s’acquitter de leurs obligations. Sur fond de suspicion ancienne et, il faut bien le reconnaitre, très installée, l’effet est dévastateur. La communication n’a pas été suffisante, c’est le moins que l’on puisse dire, et dans tous les cas la cohérence de celle-ci a été absente. Chaque organisme d’assurance a déroulé la sienne sans s’appuyer sur une pédagogie collective. Or, la situation inédite et complexe que nous connaissons nécessite un travail d’explication qui ne peut être, au moins en préalable, que celui de la profession. Cela n’a pas été le cas malgré des efforts, mais inaudibles.
La conscience d’un intérêt supérieur partagé par tous les acteurs ne s’est pas exprimée. La première victime est la confiance. Or, chacun sait que dans les activités qui sont les nôtres, elle est notre bien le plus précieux. Elle s’est évanouie, laissant toutes les suspicions proliférer et les intérêts catégoriels l’emporter. Le secteur est dévasté, les secousses telles des répliques sismiques vont se propager probablement longtemps.
Trois leçons s’en dégagent. La première est que ce secteur embrasse des intérêts trop divergents. Le plus petit commun dénominateur l’emporte et ne peut donc pas fédérer. La seconde leçon est que les valeurs sur lesquelles reposent l’activité de l’assurance ne sont pas ou plus reconnues comme des vertus indispensables. La troisième leçon est que la crise, comme en 2008 d’ailleurs, a mis à mal des solidarités peut-être tout simplement parce qu’elles n’existaient pas ou si peu.
Henri DEBRUYNE