LA COUR DE CASSATION PERSISTE A REFUSER LA GLOBALISATION DES SINISTRES RC EN MATIERE DE DEVOIR DE CONSEIL
Consacré depuis 2003 par l’article L 124-1 du Code des assurances, le principe de la globalisation des sinistres entraîne l’application d’un seul plafond de garantie pour les sinistres sériels réputés n’en former qu’un, en raison de ce qu’ils découlent d’une même cause technique. Or depuis 2020, la Cour de cassation a, par plusieurs arrêts, refusé l’application du principe de globalisation à tous les sinistres causés par un manquement aux obligations d’information et de conseil auxquelles sont tenus les professionnels, jugeant que, par nature, ces obligations dues à chaque client au cas par cas rendent chaque sinistre individuel.
Elle vient de le faire à nouveau dans un arrêt du 5 décembre concernant la responsabilité civile d’un monteur en défiscalisation à qui il était reproché de ne pas avoir vérifié les conditions d’éligibilité de son produit au Girardin industriel (des centrales photovoltaïques, qui n’avaient pas été raccordées avant la fin de l’année d’investissement). De nombreux investisseurs redressés avaient agi contre leur conseiller en investissement (la société Diane) et son assureur RC sur le fondement du manquement à son devoir d’information et de conseil.
Dans un de ces procès intenté par un investisseur, Mr T., la Cour d’appel de Paris avait jugé en septembre 2022 que le fait générateur doit s’entendre, non des circonstances de temps et de lieu propres à chaque réclamation, mais de la cause technique qui est commune et que les différentes réclamations formées à l’encontre de la responsabilité de la société Diane ont la même cause, à savoir de ne pas s’être assurée de l’éligibilité de son produit au dispositif Girardin et plus précisément de la condition du raccordement au réseau EDF. Elle constatait alors l’épuisement de la garantie prévue au contrat d’assurance souscrit par la société Diane et (disait) n’y avoir lieu à condamner l’assureur à garantir le paiement de la créance de responsabilité civile.
Le 5 décembre, la Cour de cassation vient de répondre : En statuant ainsi, alors qu’elle retenait que la société Diane avait manqué à son obligation d’information, ce dont il résultait que la responsabilité de l’assurée était engagée au titre de ses manquements dans l’exécution d’obligations dont elle était spécifiquement débitrice à l’égard de Mr T., la cour d’appel a violé le texte susvisé.
C’est peu dire que cette position de la Cour de cassation est décriée par de nombreux professionnels du droit, pour qui la globalisation s’imposerait en pareil cas. Le devoir de conseil concerne une fraction importante de la branche de l’assurance RCP, et la position consumériste de la Cour de cassation peut avoir pour effet de conduire l’ensemble des acteurs de l’assurance concernés à redéfinir les équilibres, notamment au niveau des limites d’assurance.
Source : Cour de cassation N° 22-23.153