La complémentaire santé et les mauvaises manières des pouvoirs publics
L’assurance santé complémentaire est devenue une variable d’ajustement de la sécurité sociale. Ce n’est pas nouveau. Les pouvoirs publics n’ont eu de cesse, depuis des années, de jouer insidieusement sur les niveaux de remboursements en évadant vers les complémentaires une partie de la charge de la Sécurité sociale. En même temps, ils interviennent pour encadrer l’offre de garanties et, plus récemment, pour peser sur les tarifs. Avec en toile de fond la menace de « la grande sécu » c’est-à-dire un système d’assurance maladie unique par l’intégration, de tous les dispositifs complémentaires, dans la sécurité sociale. L’objectif ? Un seul régime pour tous, l’espoir d’une rationalisation bénéfique, notamment sur les frais et un seul déficit puisque la gestion des antagonismes, le poids des injonctions politiciennes n’auront bien entendu pas disparu. La belle idée d’un projet étatique impraticable !
Ces interventions sur l’assurance complémentaire santé en ont alourdi le coût, au moins autant que l’évolution du risque. Les Sénateurs se sont saisis de cette question1 et sont entrés dans un luxe de préconisations qui laisse pantois. En effet, leur mission initiale s’intéressait à la dérive tarifaire et au poids de la complémentaire santé dans le budget des ménages. En réalité, la mission sénatoriale a étendu ses investigations pour se préoccuper de l’accès aux soins, des parcours de prise en charge, du financement et de la prévention. Elle formule des préconisations sur la prise en charge des médecines douces, sur le remplacement des lunettes et sur les conventions de distribution. On croit rêver ! Une véritable manie de dire aux professionnels comment faire leur job. Une forme d’interventionnisme contre-productif. La France est d’ailleurs le seul pays européen dans lequel l’assurance complémentaire bénéficie d’un encadrement aussi intrusif. Dans les pays comparables la liberté est la norme.
La question de fond n’est pas dans la manière dont sont gérées les complémentaires, mais dont est appréhendée l’évolution générale de l’assurance santé. Une situation qui n’est pas propre à la France. L’OCDE2 indique que la part du PIB consacrée à la santé passera de 8.8% à 11.2% en 2040 pour l’ensemble des pays de l’OCDE. La hausse des dépenses publiques de santé devrait être deux fois plus forte que les recettes de l’Etat entre 2019 et 2040. Or, dans nombre de pays – c’est le cas de la France – ces déficits sont financés par de la dette puisque les comptes sont déséquilibrés. Bref, une situation doublement explosive. La France n’y échappe évidemment pas. Elle subit les coûts de traitement médicaux de plus en plus chers et le vieillissement de la population est un fait. Elle consacre 11.7% du PIB à la santé en 2022 et s’inscrit dans la tendance des pays « riches ». Une équation autrement plus ardue que de savoir s’il faut rembourser les médecines douces.
La complémentaire Santé en France est strictement confrontée aux mêmes perspectives. L’enfermer dans un dispositif de plus en plus contraignant est une erreur profonde. Il faut, au contraire, donner toutes les latitudes possibles aux assureurs pour trouver des solutions innovantes, y compris hors des sentiers balisés par l’Etat. La démarche de l’assurtech ALAN est en soi illustrative puisqu’il fonde son offre moins sur le prix que sur les services directement associés à l’offre de soins. Ses succès récents, notamment sur le marché de la fonction publique (PSC), plaident pour l’innovation. Il n’est d’ailleurs pas le seul sur ce sentier, mais il en faudrait beaucoup plus, déterminés et pas entravés par de mauvaises contraintes.
1 Mission d’information « Hausse des tarifs des complémentaires santé : l’impact sur le pouvoir d’achat des Français » 26 septembre 2024
2 Organisation de coopération et de développement économique https ://www.oecd.org/fr/sante/panorama-de-la-sante/
Henri DEBRUYNE