LA CHAINE DES RESPONSABILITES DANS LA DISTRIBUTION Certains responsables et d’autres non ?
La prudence excessive du régulateur le conduit à une sélectivité dans ses contrôles puis ses sanctions, dans une mesure qui pourrait s’apparenter à de la connivence. Ainsi confortés, porteurs de risques et courtiers grossistes restent dans l’ombre, laissant assumer les courtiers finaux en bout de chaîne. Quant au consommateur il reste confronté à une situation que le législateur a voulu corriger… en attendant que d’autres intervenants le défendent (associations, tribunaux…). Et l’auto-régulation du courtage n’y changera rien. Pourtant, en théorie, tout devrait aller si bien…
La théorie, c’est la forte réglementation de la sous-traitance par solvabilité 2.
La sous-traitance, c’est « un accord, quelle que soit sa forme, conclu entre une entreprise d’assurances ou de réassurance et un prestataire de services, soumis ou non à un contrôle, en vertu duquel ce prestataire de services exécute, soit directement, soit en recourant lui-même à la sous-traitance, une procédure, un service ou une activité, qui serait autrement exécutée par l’entreprise d’assurance ou de réassurance elle-même ».
L’EIOPA a précisé à cet égard que les relations entre un organisme et un intermédiaire en assurances portant sur la souscription ou la gestion de sinistres sont soumises aux exigences relatives à la sous-traitance telles qu’issues de la directive Solvabilité 2.
En cas de manquement à la règlementation au titre d’une activité sous-traitée, c’est l’entreprise d’assurance qui est entièrement responsable ; elle ne peut pas s’exonérer de sa responsabilité en invoquant les manquements d’un sous-traitant. Une convention en ce sens serait nulle.
Ceci veut-il dire que le sous-traitant peut faire n’importe quoi ? Evidemment non. La sous-traitance suppose une définition précise des missions sous-traitées et de leurs conditions de réalisation, mais aussi la mise en place de procédures de contrôle de leur bonne exécution.
De même, un sous-traitant qui délègue lui-même une partie de ses missions ne peut pas se désintéresser des pratiques de son propre sous-traitant : c’est le cas du courtier grossiste envers ses courtiers détaillants, comme du courtier détaillant envers ses MIA.
La théorie, c’est aussi l’étroit système de réciprocité porté par la DDA.
A l’organisme d’assurance il incombe de veiller, d’une part, à ce que les distributeurs possèdent les compétences requises pour distribuer les produits qui leur sont confiés et, d’autre part, à ce que ces produits soient bien distribués conformément à sa politique de gouvernance des dits produits.
Au distributeur il appartient d’être un acteur critique informé, d’ajuster sa propre politique de distribution et de remonter au porteur de risques l’éventuelle inadéquation du produit aux besoins de ses clients.
Mais en pratique, les organismes d’assurance et autres concepteurs continuent de considérer que leur responsabilité s’arrête là où commence celle de l’intermédiaire. Une conception qui date de l’ancien monde. Celui dans lequel un courtier apportait une affaire à un assureur, lequel ne se préoccupait que de la consistance du risque qu’il acceptait. Cette chaîne remontante a très longtemps fonctionné avec une répartition claire, le courtier gérant son client en limitant avec un soin jaloux les contacts entre ce dernier et l’assureur. Celui-ci respectant l’intégrité voire l’intimité de la relation du client avec son courtier. Bref un mur virtuel, mais bien présent séparait les attributions et donc les responsabilités. Régulièrement le juge contestait cet état de fait, mais de manière très factuelle et somme toute pour de rares cas.
La réglementation (solvabilité 2 et DDA) change la donne. Le législateur reconstitue une continuité entre l’assureur et le client nonobstant les différences de statut entre les intervenants. Considérer que les séparations anciennes demeurent est du déni, et pourtant, cette mauvaise lecture selon laquelle les pratiques d’un intermédiaire n’engagent pas celui qui lui a confié la distribution de ses produits, est largement répandue.
Certes, le gendarme (l’ACPR) ne fait pas vraiment peur. Il sanctionne peu, et d’une manière qui est loin d’être dissuasive. Surtout, si l’on compare avec la fermeté de l’AMF dans des activités proches. Les institutions professionnelles ne s’expriment guère sur ce sujet. Or, une affaire récente (Viva Conseil) soulève le fond du problème. Le fait que la décision de l’ACPR, tout en évoquant la présence d’autres acteurs dans la chaîne de distribution, ne les a pas nommés ni surtout sanctionnés.
Il est regrettable que cette décision se soit arrêtée en cours de route. Elle ne crédibilise pas la capacité du régulateur (l’ACPR) à sanctionner et potentiellement faire cesser des pratiques critiquables. Ce qui n’est bon pour personne.
Anne D’ANDIRAN
& Henri DEBRUYNE