Interdiction des commissions : le débat se tend
Les positions se radicalisent et le débat passe largement à côté de la question de fond. Quel est le service rendu au consommateur ? Peut-être faut-il approfondir cet aspect de la DDA.
Le débat se radicalise à l’instar de l’Allemagne, où il est brusquement monté en intensité. Le ministre des Finances a pris position dès la fin de l’année dernière. Il ne veut pas d’interdiction des commissions. Il faut dire que les intermédiaires et les assureurs mènent un lobbying particulièrement actif. Au point que la BaFin (le régulateur) se fâche et menace des foudres de l’interdiction pure et simple des commissions si le secteur n’admet une forme de modération des coûts. Arguments contre arguments, le client est l’otage d’un débat qui aurait beaucoup à gagner en sérénité. Les uns, non sans raison, évoquent l’intérêt des consommateurs dont les rendements des contrats d’assurance vie, déjà maigres, sont amputés par des coûts jugés trop élevés. Les autres justifient les légitimes frais et rémunérations pour gérer et prodiguer des conseils.
En fait, chacun a raison, personne n’a vraiment tort. D’autant que l’on mélange un peu tout. Les activités commerciales, celles de gestion et bien sûr le conseil. Or, dans cette débauche d’arguments on oublie allégrement que le législateur européen a voulu, il y a à peine cinq ans, porter au frontispice de l’assurance le respect absolu des intérêts des clients. Il en a fait, dans le 1er § de l’article 171 de la DDA, l’alpha et l’oméga de la fonction du distributeur d’assurance. Cet objectif, présenté comme absolu, est assez largement nié. Au point que l’on prête à la Commissaire européenne aux Services financiers, Mairead McGuinness, d’avoir répliqué que si le conseil (humain) est trop cher, les robots advisers feront l’affaire. Espérons qu’il s’agit juste d’une fausse information. Car le texte est clair2 : Lorsque des conseils sont fournis avant la conclusion d’un contrat spécifique, le distributeur de produits d’assurance fournit au client une recommandation personnalisée expliquant pourquoi un produit particulier correspondrait le mieux à ses exigences et à ses besoins. Certes, il est possible d’abroger le conseil, mais alors où est l’intérêt du client ?
Quoi qu’il en soit, la question est bien de savoir ce qui est délivré au client, par qui, comment et à quel prix ? Et là, les débats s’éteignent. Il faut pourtant souligner que dans les arguments des pourfendeurs des commissions émerge le soupçon du pilotage non-adéquat des réseaux. C’est-à-dire que le système des commissions (inducements) orienterait les préconisations des distributeurs par le biais de l’animation commerciale voire du pilotage des objectifs. Il n’est pas possible de balayer d’un revers de main cet argument. Le MEDI travaille depuis trop longtemps sur ces biais, le plus souvent, comportementaux pour ne pas souligner qu’ils existent bel et bien et pas uniquement dans les pratiques commerciales. L’offre telle qu’elle est marketée, la documentation et les argumentations commerciales en sont truffées, consciemment ou pas d’ailleurs. Un chatbot qui est une œuvre humaine n’y échappe pas plus !
Il faut donc revenir au fond de la question : qui délivre quoi ? à qui ? à quel prix ? Personne n’a intérêt à éluder ces questions et à maintenir la confusion entre ce qui est réalisé pour le compte de l’assureur et ce qui l’est pour celui du client. Si la transparence est l’une des voies, elle n’est pas la seule et, dans tous les cas, pas suffisante. Le fait de conseiller un client est très impliquant, bien au-delà de lui indiquer en quoi la solution proposée répond à ses besoins. C’est bien cette fonction qui est insuffisamment traitée.
1 Les États membres veillent à ce que, lorsqu’ils exercent une activité de distribution d’assurances, les distributeurs de produits d’assurance agissent toujours de manière honnête, impartiale et professionnelle, et ce au mieux des intérêts de leurs clients
2 §1 de l’article 20 de la même directive
Henri DEBRUYNE