Escompte et précompte de commissions : les assureurs procrastinent !

par | 11 Sep 2024 | Eclairage

Après des mois de gestation, le secteur de l’assurance a arrêté une position commune pour encadrer les rémunérations des intermédiaires dans la commercialisation des produits d’assurance.

France Assureurs, le CTIP et la Mutualité Française se sont mis d’accord pour discipliner les pratiques de rémunération controversées que sont l’escompte et le précompte de commissions. Le premier aspect positif de cet engagement est de poser des définitions claires sur ces deux pratiques. Ensuite, il reconnait, de facto, que celles-ci sont problématiques et il propose des solutions. C’est une bonne chose. Même si, certaines propositions formulées sont éloignées de ce qu’il est attendu.

L’escompte de commissions consiste à verser une commission à un intermédiaire en assurance au moment de la souscription d’un contrat, sans attendre la date d’effet effective. Cela peut faciliter les efforts commerciaux consentis et reste très limité dans le temps. Cela ne lèse pas le client. Le précompte consiste à verser à un intermédiaire, par anticipation, plusieurs années de commissions dès la souscription d’un contrat. Les assureurs préconisent de limiter les versements anticipés à trois fois la commission de première année. Ce qui, en réalité, est déjà la pratique. Cet accord en fait une norme en entérinant la situation actuelle qu’ils annonçaient vouloir corriger.

En fait, les assureurs, mais aussi les grossistes et les réseaux des intermédiaires qui ne sont étrangement pas partis à l’accord, sont sous une triple pression. Celle de la réglementation actuelle qui estime cette pratique contraire aux intérêts des clients, à la doxa Européenne qui considère les commissions comme un dispositif source de conflits d’intérêts. Sans oublier les organisations de consommateurs et d’épargnants qui vouent globalement le système des commissions aux gémonies. Cette recommandation des assureurs fait-elle progresser la cause des consommateurs ? Pas sûr. Préserve-t-elle les intérêts des intermédiaires ? Pas sûr non plus.

Les justifications avancées pour maintenir ces pratiques sont spécieuses. Elles soutiennent qu’il s’agit de rémunérer le travail initial de conseil et de gestion fourni par l’intermédiaire. Les observations du MEDI sur l’économie des distributeurs ne corroborent pas cette affirmation. Certes, l’effort de commercialisation, d’information et de conseil de première année est conséquent. Mais les années suivantes nécessitent un effort d’accompagnement, d’adaptation du conseil et des garanties loin d’être négligeable. Ce qui a également un coût. De fait, le maintien du contrat dans le portefeuille est un véritable enjeu à la fois réglementaire et économique. En d’autres termes, l’effort commercial initial n’est plus seulement un investissement qui se lisse dans le temps, il est de plus en plus en partie récurrent. Ce qui invite à une réflexion plus large sur la rémunération de ces acteurs.

Bref, un accord bien intentionné pour tenter de sortir de ces pratiques, dans tous les cas il fait rentrer tous les acteurs dans une même règle. Néanmoins, le manque d’ambition le vide de son efficacité. Et, ne soyons pas dupe, il maintient une situation juridique périlleuse, car la pratique du précompte n’est en rien validée par les textes actuels. Il renforce, hélas, les arguments des contempteurs du mode de rémunération à la commission qui ne se lassent pas de vouloir le mettre à bas. Contrairement à ce que beaucoup pensent, ce débat, qui reste très vif dans la RIS1, n’est pas clos.
1 Retail Investment strategy

Henri DEBRUYNE

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