COVID-19 : l’évaluation des risques en défaut !

par | 25 Juin 2020 | Humeur

L’état des lieux de l’ACPR sur les garanties « pertes d’exploitation » donne une vision quantitative, mais soulève plusieurs questions sur la connaissance par les assureurs de la réalité de leurs engagements.

Moins de 3 % (2.6) des contrats de pertes d’exploitation ont une garantie Evènement COVID-19 et 4.1% peut-être ou peut-être pas. Pour 93 % la réponse est donc non. Outre le fait, qu’un tout petit nombre de contrats permet d’envisager une indemnisation, pour un nombre non négligeable (4%) ça se discute. Ce qui n’a pas échappé à l’ACPR qui rappelle les assureurs à quelques règles évidentes.

La première concerne les rédactions de clauses ambigües, parfois des intercalaires élaborés par des courtiers et négociés avec les souscripteurs des compagnies. Mais pas seulement, des compagnies à réseaux intégrés sont tout autant, semble-t-il, concernées. Certes, l’ambiguïté profite à l’assuré, mais n’aide pas à quantifier la maîtrise des risques. La deuxième règle est que manifestement nombre d’assureurs ont découvert la nature sinon l’ampleur de leurs engagements potentiels une fois la pandémie survenue. Et, comme rappelle le régulateur dans sa troisième observation, se pose l’adéquation des provisions relatives à ces contrats. Les contrôles vont donc se multiplier pour mieux cerner l’état des lieux, épurer les rédactions litigieuses et probablement en réviser un grand nombre.

Enfin, l’exemple du fameux intercalaire SATEC devient un cas d’école. Il doit aussi questionner la relation porteur de risque-distributeur, quant aux responsabilités respectives de chacun, aux contours précis des délégations et à leurs contrôles ; ne pas se pencher sérieusement sur le sujet reviendrait à faire le lit d’autres « produits-fantômes » potentiellement explosifs dont l’assureur aura littéralement perdu le contrôle …à cette différence près qu’on ne pourra plus faire comme si de rien n’était.

Au-delà, c’est la question de la compréhension des clauses, des fameux intercalaires et la clarté des garanties qui se pose. C’est l’un des objectifs de la Directive distribution. D’une part, à travers l’obligation de conseil qui s’appuie obligatoirement sur l’évaluation des besoins – un dispositif incontournable – qui, bien menée, doit permettre de justifier que les réponses apportées sont en adéquation avec les besoins évalués. D’autre part, le dispositif de la gouvernance produits a été conçu pour que les produits répondent à des besoins réels et donc bien identifiés et réévalués régulièrement. Certes, en l’occurrence il faut bien admettre que la pandémie a surpris tout le monde, les assureurs comme les experts et les gouvernants, personne n’a anticipé.

Tout de même, les assureurs auraient dû être moins pris de court. C’est leur métier d’anticiper, d’évaluer et de mesurer les impacts de ces phénomènes qu’ils soient en état de les assurer ou pas.

A minima, il semble bien que le dispositif ait été défaillant. Sur la « gouvernance produits » en particulier, qui est souvent perçue comme un processus administratif, donc barbant, et pas comme une démarche d’évaluation des besoins et de réponses. Dans l’évaluation des conséquences de cet épisode malheureux, il faudra reprendre tous ces aspects et s’interroger sur les défaillances et en particulier celle de l’information des clients qui ont cru ou voulu croire que la garantie était acquise alors qu’elle ne l’est, quoi qu’on en dise, que dans un tout petit nombre de cas. La responsabilité du distributeur est tout autant de décrire ce qui est garanti que ce qui ne l’est pas !

Nous parlons ici des Pertes d’exploitation, mais l’exercice peut être étendu à une grande majorité de risques qui sont souvent évalués sur des standards vieillissants et pas ou peu réévalués. Il en est de même pour les situations individuelles qui doivent faire l’objet de révisions voire d’ajustements réguliers !

Henri DEBRUYNE

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