Covid 19, évaluation des besoins et gouvernance produits
Le débat sur le contenu objectif des garanties et la réalité de l’évaluation des besoins mérite d’être posé, notamment à propos des pertes d’exploitation sans dommage. La période que nous venons de traverser constitue un cas d’école.
Evaluer les besoins et proposer des garanties adaptées sont au cœur de l’activité des organismes d’assurances et des intermédiaires. Cette responsabilité est renforcée, depuis bientôt deux ans, par deux dispositifs complémentaires portés par la Directive distribution. Le premier concerne plus spécifiquement les distributeurs qui doivent formaliser par écrit l’évaluation des besoins de leurs clients, ce qui doit aider à poser les bonnes questions et à éviter l’à peu près. Le second impose aux assureurs un processus de validation des produits avant leur mise sur le marché (POG). En réalité, ils doivent s’efforcer de répondre aux besoins réels des clients.
Outre l’obligation de formaliser ces deux démarches, ces dispositions ont pour ambition de rendre plus transparente l’adéquation des réponses aux besoins. C’est à dire, d’associer le client à la définition de ses besoins réels et aux réponses qui y sont apportées. C’est d’autant plus important pour des clients professionnels. En principe, le document IPID doit être le reflet synthétique de ce qui est garanti et ce qui ne l’est pas. On a beaucoup glosé sur ce document qu’on qualifiait de superfétatoire, la démarche mérite que l’on y revienne forts de notre expérience.
Un respect strict de ces dispositions aurait-il évité les discussions désagréables et les procès d’intention – en attendant ceux portés devant la Justice – qui polluent gravement les relations post-pandémie ? Pas totalement, c’est évident. Néanmoins, il les aurait posés en termes différents. Car si la pandémie a surpris tout le monde, ou à peu près, la question des pertes d’exploitation sans dommage n’est pas un sujet complètement nouveau. Il y a dix ans, l’éruption du volcan islandais Eyjafjöll avait posé la question des pertes d’exploitation sans lien direct avec un sinistre. L’AMRAE* s’en était emparée, sans conclure.
Puis les manifestations des « gilets jaunes » avaient fait toucher du doigt la difficulté d’évaluer les conséquences de ces interruptions d’activités. D’ailleurs, l’offre de garantie, qui s’était progressivement ouverte, s’est nettement refermée depuis ces événements. Les souscripteurs ayant, disent-ils, trop peu d’éléments pour quantifier les risques. Bref, avant le Covid-19 il était déjà difficile d’obtenir ces garanties et elles étaient chères. Naturellement, l’information débordait à peine d’un cercle d’initiés.
Fort de cette expérience toute fraiche nous devons nous interroger sur ce qui pourrait être fait pour éviter que des évènements comparables reproduisent les mêmes errements, comme nous y invite d’ailleurs la DDA.
Trois réflexions de niveaux différents méritent qu’on s’y arrête. Tout d’abord pour les intermédiaires, comment renforcer la démarche d’évaluation des besoins en y associant les clients et comment expliquer mieux encore. Ensuite pour les porteurs de risques, comment faire du POG une démarche partagée avec les distributeurs et qui intègre une meilleure prise en compte des réalités individuelles des clients pour ne pas dire du sur-mesure. Sinon, elle restera un pilotage administratif avec une tentation forte à la rationalisation.
Enfin, faire sortir du petit cercle des experts les réflexions sur les évaluations des risques majeurs ou nouveaux. A la fois, pour aider le grand public à leur compréhension, mais surtout pour poser en termes clairs les limites des techniques assurancielles. Avec le Covid-19 nous touchons du doigt les frontières de l’assurance et ce qui est du ressort de la solidarité nationale. En effet, les débats sur le caractère obligatoire ou pas de la future garantie de la pandémie illustrent bien cette nécessité d’expliquer que l’assurance ne peut pas tout.
Henri DEBRUYNE
*AMRAE est L’Association pour le Management des Risques et des Assurances de l’Entreprise