Catastrophes naturelles : Coup de rabot sur les commissions

par | 11 Juil 2024 | Eclairage

Les pouvoirs publics viennent, par arrêté1, de réduire le taux de commission applicable aux surprimes des risques de cat-nat. Curieux message qui invite à la solidarité et donc à la modération au moment où les intermédiaires sont invités à jouer un rôle accru en matière d’information et de conseil.

Cela ressort du calcul d’apothicaire. Le taux de commission moyen lié à la garantie contre les catastrophes naturelles est réduit de 8 à 5 %. Cette mesure s’appliquera au premier janvier prochain concomitamment à l’augmentation de la surprime cat-nat qui passera de 12 à 20% pour faire face à la croissance de la sinistralité. Cette mesure a donc deux effets. Elle impose aux intermédiaires une solidarité tout en maintenant le niveau factuel de la rémunération. Ce dispositif n’a pas soulevé d’opposition de la part des représentants des agents généraux et des courtiers (Agéa et Planète CSCA) qui disent comprendre la logique de cette décision.

En réalité, ce n’est pas un bon message. S’il peut paraitre satisfaisant, sur le plan de l’esprit, d’organiser une solidarité des intermédiaires avec les mesures qui visent à sauver le régime des catastrophes naturelles cela se heurte au principe de réalité. En effet, ce système de garanties est, à court terme, profondément bouleversé. D’un dispositif d’assurance totalement mutualisé, sans différenciation des biens et de leur localisation, il entre dans une démarche de gestion des risques. Le rapport Langreney2 le démontre dans la vérité de la situation. Tous les risques climatiques ne pourront être assurés, sans réserve et sans condition. L’assurance et les assureurs sont appelés à faire ce qu’ils savent très bien faire, évaluer les risques et, le cas échéant, les rendre assurables. Ce qui implique un travail de prévention significatif.

Le risque cat-nat sera de moins en moins le complément d’une ou de garanties principales, mais un risque en soi qui requiert des approches et une technicité, pour ne pas dire des compétences, appropriées. Inévitablement, cela va demander aux intermédiaires un investissement proportionnel qui ne sera surement pas marginal. Outre que pour la majorité d’entre eux, ils doivent se former ainsi que leurs équipes. Leurs obligations d’information et celles de leur devoir de conseil à leurs clients vont s’étendre à une matière dont on pressent déjà, dans de nombreux cas, qu’elle risque d’être chronophage. Bref, ils vont devoir y consacrer du temps et de l’énergie. Brider leur rémunération n’est pas la meilleure manière de les encourager à consentir les efforts que cette évolution requiert.

Enfin, cette disposition technocratique, tirée au cordeau, s’appuie sur un raisonnement macro-économique, largement partagé par les compagnies d’ailleurs, qui renvoie les intermédiaires à une fonction d’agents économiques faisant abstraction de leurs réalités entrepreneuriales. Ce qui nourrit l’incompréhension des décideurs comme des intermédiaires d’ailleurs. En effet, l’essentiel de la réflexion sur les coûts de distribution se fait à travers des ratios exprimés en taux de commissions avec un regard, pas toujours bienveillant, sur le résultat opérationnel. Peu des intéressés analysent leurs prix de revient et les dirigeants ne s’y intéressent pas vraiment. C’est-à-dire le coût d’une heure travaillée dans une agence ou un cabinet et celui rapporté aux tâches effectuées (conseiller et vendre un contrat, gérer une relation ou un sinistre, etc.). Ce qui empêche un pilotage précis et réaliste de leur activité. Nous l’avons, d’ailleurs, touché du doigt lors des débats sur la RIS. C’est très regrettable et maintient les intermédiaires et leurs partenaires dans une vision tronquée qui ne permet pas de partager des réalités objectives.
1 Arrêté publié par le ministre de l’Économie et des Finances du 3 juillet 2024
2 Le rapport de mission Langreney sur l’assurabilité des risques climatiques a été remis aux ministres Bruno Le Maire et Christophe Béchu le 2 avril

Henri DEBRUYNE

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